Le transfert des informations émotionelles chez le cheval
Cet article est la partie 2 de 8 du dossier Expression faciale et communication sociale

Chez l’Homme, l’écoute de “vocalisations” porteuses d’informations émotionnelles entraîne les mêmes réactions des régions sensorimotrices (qui interagissent entre les émotions et la motricité) que lors de la production d’expressions faciales émotionnelles: par exemple chez l’Homme, rire ou voir/entendre un rire entraîne la stimulation des mêmes neurones, des mêmes zones faciales et du même langage corporel. L’écoute transmettrait toutefois davantage d’informations que la vision. Pour aller plus loin, empêcher un corps de réagir mimétiquement entraînerait un défaut de réception d’information émotionnelle.

Ce “miroir audio-moteur” joue un rôle primordial dans la reconnaissance d’émotions auditives et visuelles, reconnaissance fondamentale pour la modulation de réactions interpersonnelles (jusqu’à présent non démontrée chez les non-humains).

L’étude évoquée dans cet article vise à démontrer que l’écoute de vocalisations émotionnelles entraîne, chez un cheval sans contact visuel avec son condisciple, une représentation faciale motrice (et très certainement une nouvelle façon d’aborder la représentation sociale).

Protocole

  • 32 chevaux tests: 10 juments/22 hongres, entre 5 et 24 ans, n’ayant jamais été soumis au protocole expérimental
  • Utilisation de 8 enregistrements, 4 nickers (son positif utilisé comme “salut” amical) et 4 squeals (couinement aigu émis lors de situations d’agressivité), émis par des chevaux d’âge et de sexe différents
  • Les chevaux tests étaient soumis à deux essais, séparés de 7 jours. Chaque essai consistait à écouter l’une des 8 vocalisations deux fois, avec un intervalle de 10 secondes, puis suivi de 2 minutes de silence. Le haut-parleur était situé à 7m de distance et caché par de la végétation. Une barre de bois (4m) était placée comme marqueur de position, à 15m du haut parleur. Les chevaux étaient amenés par un humain, sans tension sur la longe. Puis l’humain restait à gauche mais de dos, afin de ne pas entraîner de réactions; de plus, il avait un cache oreille afin d’éviter la création d’un stimuli parasite (effet Clever Hans). Les réactions étaient enregistrées avec 2 caméras.

Les réactions des chevaux étaient analysés par EquiFACTS (article précédent), avec un code varié, par exemple un comportement d’approche/d’évitement, le regard, la position des oreilles, etc.Photographie du protocole expérimental

Photographie du protocole expérimental

Résultats

Plusieurs faits ressortent de cette étude:

  • L’écoute d’une vocalisation “négative” entraîne une réaction de miroir “multi-modal” rapide avec la production des expressions faciales affectives équivalentes.
  • L’absence de réaction comportementale laisse à penser que le cheval est donc capable de transfert d’information émotionnelle (car non lié à une réponse comportementale plus large)
  • L’écoute d’une vocalisation “positive” n’entraîne pas de productions de mimiques: elle entraîne moins d’actions faciales spécifiques (la principale étant le clignement d’oeil, déjà fréquent “naturellement”).
  • Dans ce cas, pourquoi y aurait-il une réponse au stimuli négatif, et non au positif? Il faudrait revenir ainsi à la raison du “miroir”: un stimuli négatif entraînerait davantage d’implications de survie (danger par exemple) qu’un stimuli positif, et devrait donc entraîner rapidement une action future.

Conclusion

Cette représentation audiomotrice est particulièrement étudié chez l’Homme : lorsque nous adoptons des postures émotionnelles/expressions faciales, nous avons tendance à ressentir l’émotion associée. Cette cohérence d’état émotionnelle, ainsi que sa transmission/contagion, est un autre mécanisme crucial pour la compréhension des émotions/état intérieurs d’autres humains, et permet la mise en place de comportements sociaux complexes tels que l’empathie et l’altruisme.

Il n’est, pour l’heure, pas question de telles conclusions chez les non-humains. Toutefois la capacité de percevoir, comprendre et transférer les émotions d’autrui suggère l’existence d’un monde social complexe et jusqu’à présent peu connu.

Plus largement, il est également intéressant d’étudier si ce miroir audiomoteur est un dénominateur commun dans l’évolution, ou si au contraire il aurait évolué séparément au sein d’espèces sociales.

 

Parcours du dossier<< La méthode de travail EquiFACTCommunication sociale chez le cheval : production et perception des expressions faciales >>

2 commentaires

  1. Laurence David Auteur décembre 9, 2016 (9:58 )

    Bonjour. Je découvre votre blog, très intéressant. Toutefois, je ne trouve pas les références de l’expérimentation que vous décrivez dans cet article ? Merci.

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