Le cheval sauvage, tout comme le cheval domestique, s’adapte à son environnement en utilisant des signaux externes qui le guident pour reconnaître des événements favorables (trouver de la nourriture) ou défavorables (échapper à un prédateur). Cette capacité du cheval à modifier son comportement en fonction de signaux externes peut être utilisée lors d’un apprentissage, en particulier lors du transfert d’un conditionnement pavlovien vers un conditionnement instrumental (Pavlovian to Instrumental Transfer, PIT) comme c’est le cas pour le clicker-training.
Le PIT est considéré comme le facteur central de la manière dont les signaux influencent le comportement d’un animal. Il se réfère à la capacité d’un signal pavlovien, qui prédit une récompense, à obtenir ou à améliorer la réponse attendue pour obtenir la même récompense. Le PIT est le résultat de l’interaction de 2 processus d’apprentissage associatif. Si l’on prend l’exemple du clicker-training, voici ces 2 processus :
- le conditionnement pavlovien= le « clic » du clicker
La relation entre le stimulus et la récompense est directe.
Exemple : je clique puis je donne une carotte.
On parle de Stimulus Conditionné (SC).
- le conditionnement instrumental (CI) : le cheval apprend à réaliser une action afin d’obtenir la même récompense. La réponse correcte est validée par le SC.
Exemple : je demande l’immobilité. Dès que je l’obtiens, je clique puis je donne une carotte.
Si le PIT a lieu, la présentation du SC va améliorer la réponse instrumentale. Le PIT est considéré comme la preuve que le SC pavlovien motive l’animal à réaliser la performance instrumentale. L’efficacité du PIT varie selon les individus. Cette variabilité pourrait être expliquée par des différences de tempérament. Cette étude a pour objectif de déterminer si la magnitude du PIT chez le cheval dépend de son tempérament.
Principe de l’expérimentation
- 19 poulains anglo-arabes d’environ 1 an.
- Stimulus Conditionné (SC) : stimulus auditif et visuel. L’expérimentateur secoue un sac de granulés puis en jette une poignée dans un seau situé entre 2 cônes de signalisation.
- Conditionnement Instrumental (CI) : Toucher le cône indiqué par l’expérimentateur. Pour donner le signal, l’expérimentateur tape avec son doigt le sommet du cône associé à la récompense pendant 15 secondes maximum. Dès que le cheval touche le cône, l’expérimentateur effectue le SC puis le cheval mange les granulés jetés dans le seau.
- Evaluation du PIT : les conditions sont identiques à celles du CI mais cette fois les chevaux sont également testés en conditions d’extinction. En effet, afin d’optimiser l’évaluation du PIT, les chevaux doivent montrer des taux de base de performances du CI relativement faibles. C’est pourquoi, une fois le cheval conditionné, l’expérimentateur ne récompense plus systématiquement le cheval en cas de bonne réponse, mais de moins en moins. C’est ce qu’on appelle la phase d’extinction de l’apprentissage. Le test commence par une phase d’extinction puis consiste en 3 sessions de CI séparées chacune par une phase d’extinction. Le nombre de réponses correctes est comptabilisé à chaque session.
- Mesure du tempérament : réactivité à l’humain, sensibilité tactile, nouvel objet (peur), isolation sociale (grégarité), nouvel environnement (peur), test de surprise (peur), activité locomotrice.
Résultats
Conditionnement pavlovien (SC)
A la fin des sessions d’apprentissage, tous les chevaux avaient associé le stimulus à la récompense alimentaire.
Conditionnement instrumental (CI)
A la fin des sessions d’apprentissage, les chevaux donnaient plus de réponses correctes suite au signal de l’expérimentateur qu’au début de l’apprentissage.
Transfert pavlovien vers instrumental (PIT)
Durant le test, les chevaux sont plus performants durant les sessions avec le SC que pendant les phases d’extinction. Un SC pavlovien peut donc restaurer une réponse instrumentale qui a été éteinte : le PIT a donc bien lieu chez le cheval.
Modulation des performances par le tempérament
En conditionnement instrumental, les chevaux les moins peureux et les moins grégaires montrent les meilleures performances. Ces résultats confirment l’effet négatif de la peur, l’anxiété, la timidité (en opposition à l’audace) et de la réactivité émotionnelle sur les performances d’acquisition d’un apprentissage. En effet, pour les chevaux caractérisés par un tempérament peureux, grégaire et réactif, le CI représente un stress qui détériore l’apprentissage.
Au contraire, pendant le PIT, les chevaux les plus performants sont les chevaux les plus grégaires, les plus peureux et les plus sensibles au niveau tactile. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les chevaux créent une association plus forte entre le SC et la récompense, ce qui améliorerait ainsi leur performance lors du PIT. Ainsi, ces résultats suggèrent que la peur et la grégarité améliorent le conditionnement pavlovien mais perturbe l’apprentissage instrumental.
Conclusion
Tout d’abord, cette étude prouve que le transfert d’un conditionnement pavlovien vers un conditionnement instrumental existe chez le cheval. Elle montre également que l’influence de signaux externes sur les comportements individuels dépend du tempérament des individus. Ces résultats pourraient donc permettre de mieux comprendre et utiliser les méthodes d’apprentissage telles que le clicker training.