Quand le cheval redevient naturel – Histoire d’une réadaptation

Emotion est un cheval pur-sang arabe de 11 printemps aujourd’hui.

Nous nous connaissons depuis maintenant 4 ans mais les choses n’ont pas toujours été comme elles le sont aujourd’hui. J’ai monté Emotion durant deux ans, en l’ayant en demi-pension. Il était pieds nus, monté sans mors et nous sortions en endurance. Notre chemin s’est séparé suite à une lésion grave de type tendineuse qu’Emotion a eu. En effet, celle-ci nécessitait plus ou moins un an d’arrêt et Emotion a été vendu suite à sa guérison.

L’occasion de l’acheter se présentant un an plus tard, je me suis décidée à devenir la propriétaire de celui que je considère comme le cheval de ma vie depuis le début. Il est arrivé à la maison le 2 juillet 2014. Il avait un déficit en phosphore (ce qui lui était déjà arrivé auparavant) et pouvait prendre quelques kilos. Mais j’avais décidé de ne plus beaucoup monter le temps qu’il s’habitue à son nouvel endroit et qu’il regonfle avec les pâtures. Il était nourri avec un mélange industriel floconné sans avoine (céréales floconnées, luzerne, épeautre et granulé vitaminé spécial), à raison de 6 litres par jour (j’ai repris les doses données par ses anciens propriétaires). Il a eu en plus une cure d’Aloe Vera pour cicatriser les parois intestinales. Il n’y a pas eu de réelle amélioration, il a même perdu de l’état, se démusclant étant donné que je ne le travaillais pas. Mais il était hors de question de travailler Emotion dans cet état, ce qui nous a entraînés dans un cercle « vicieux ». J’ai choisi de laisser alors la nature faire les choses.

Déménagement & nouveau départ

Demenagement Emotion

En septembre 2014, nous avons déménagé en Belgique, où nous sommes arrivés dans une pension « Alter Equus », où toutes les conditions de vie souhaitées pour mes chevaux étaient remplies. Emotion n’était pas bien en arrivant, le long trajet l’ayant affaibli. Avec l’herbe des vertes prairies belges, il a repris quand même de l’état. On voyait doucement le changement et j’ai osé grimper dessus pour quelques balades timides. Je le nourrissais avec de l’orge et de l’épeautre après avoir bien étudié les effets de ces deux céréales, et j’ai opté pour ce mélange fait « maison » avec des grains bruts achetés en coopérative.

A l’automne, tout s’est détérioré. Il a eu une violente crise de leptospirose (avec œdème et fièvre), durant laquelle j’ai fait appel à une vétérinaire pratiquant l’acupuncture, qui a été très compétente pour faire baisser la fièvre et le soigner, le tout sans médicaments chimiques. Puis il a enchaîné une lymphangite, des boiteries et des abcès sur ses pieds que je parais seule depuis août (n’ayant pas trouvé de pareur en Belgique). Emotion a connu à cette période une phase de « décompression » physique plutôt intense, où il a évacué par tous les moyens possibles les nombreuses toxines qu’il a pu accumuler durant des années. Ce n’était pas évident à vivre, mais je me suis accrochée, en me renseignant de plus en plus sur la nourriture, le parage, les conditions de vie etc.

Parallèlement, nous avons découvert qu’il avait une pathologie du pied appelée syndrome du Hi/Lo. Ce syndrome provoquait un déséquilibre chez lui, et la pathologie était rendue à un stade avancé, faute de corrections. Cela explique alors une partie de la tendinite grave qu’il a faite des années avant. Le syndrome n’avait pas été repéré et donc pas corrigé. Le défaut de pied a entraîné toutes les compensations possibles et a provoqué un excès de tensions sur les tendons qui ont lâchés suite à un effort trop intense.

Remise en question

A cette période a commencé une grosse remise en question de ma part sur ma façon d’appréhender le cheval en général, dans sa globalité, et de traiter non pas les symptômes mais bien les causes des problèmes apparents. J’ai également beaucoup développé ma relation avec Emotion, par des longs moments avec lui, à m’en occuper, et j’ai accepté qu’il fallait du temps à un cheval pour se remettre « en route » dans ses cycles naturels. J’ai alors compris que le temps était très important et que je ne devais pas chercher à le faire « grossir » pour faire bien (et donc à abandonner l’importance que je pouvais donner au regard des autres), mais chercher à réellement réparer tous les systèmes permettant au cheval de fonctionner et que cela prenait du temps. J’ai alors choisi de traiter le fond des problèmes, et de beaucoup travailler en prévention. Il a donc eu un shiatsu et des soins énergétiques, couplés à des massages réguliers afin de soulager les tensions récurrentes chez lui, entraînant de nombreux blocages (accentués par le syndrome Hi/Lo).

L’hiver arrivant, s’est posée la question de la couverture. Emotion n’étant pas en bon état, et l’hiver belge étant plus froid que l’Anjou dont nous venions, je ne savais pas s’il tiendrait le coup sans cette « aide ». Les hivers précédents, il avait vécu la nuit en box, et il était couvert pour son dernier hiver quand il sortait au pré. J’ai toutefois pris le pari d’essayer sans, étant totalement contre la couverture. Il disposait de deux abris, d’une haie le long de la clôture, et de foin à volonté dans des filets petites mailles, selon le système de slow-feeding, conditions optimales m’ayant aidée à prendre cette décision. J’ai également diminué progressivement sa ration à 4 litres (je diminuais depuis le mois de septembre) puis à 3 litres dans le courant de l’hiver. J’ai opté pour un complément minéral qui a vraiment eu de bons résultats. Il contenait : argile, charbon de bois, zéolithe, poudre de coquille d’huitre.

Hiver & progression

Premier hiver belge pour Emoton

C’est « curieusement » cet hiver qu’il a le plus repris. Il a fait beaucoup de poils, et n’a pas eu froid du tout, même dans la neige (je ne sais pas qui de mon arabe ou de mon shetland avait le plus de poil !). Emotion avait tremblé lors de son arrivée en Belgique fin août car les pluies étaient torrentielles et même si ça a été dur à voir de mon point de vue humain et anthropomorphique, je crois que c’est ce qui lui a permis de produire sa belle toison hivernale.

Les prés étant vallonnés, il s’est beaucoup musclé, naturellement et sans effort, et je l’ai ressorti de temps à autre en balade, montée et à pied, auxquelles il prenait parfois du plaisir. C’est en étant beaucoup plus attentive aux besoins de mon cheval et en me demandant chaque fois s’il était en état d’être monté (que ce soit tant physiquement que mentalement) que je me suis rendue compte à quel point nous n’écoutions pas nos chevaux… Les fois où Emotion m’accepte sur son dos sont très rares mais je les savoure d’autant plus. Et je pense que le fait d’être écouté, et respecté quand il dit non lui a permis de dire oui plus facilement, paradoxalement. Je crois aussi que ça l’a aidé à ne pas forcer au-delà de ses limites, chose qu’il a fait de nombreuses fois dans le passé.

A la fin de l’hiver (février), Emotion avait une ration de 2 litres. Mes lacunes en parage (plus particulièrement en ce qui concerne la pathologie Hi/Lo) ont fait que l’état de ses pieds s’était dégradé, et j’ai fait appel à un très bon pareur reconnu pour m’aider. Nous sommes donc repartis sur de nouvelles bases, et ses pieds ont très bien évolués depuis, paré par mes soins selon les conseils du pareur.

Evolution Pieds Emotion

A côté, j’ai découvert les EMA et j’ai commencé à en donner régulièrement en interne à Emotion, à en appliquer sur ses pieds, et à les utiliser pour soigner les blessures. La cure en interne a eu de très bons résultats, les pieds d’Emotion ont produit une meilleure corne et ses fourchettes se sont assainies.

Une évolution vers un mieux-être

 Premier printemps pour Emotion

La modification du parage a entraîné chez Emotion une amélioration progressive de ses postures, et une détente visible de tous les muscles. Il a eu beaucoup de massages réguliers et des étirements afin d’y contribuer. Le printemps arrivant, j’ai opté pour un drainage à base de plantes séchées et une cure de levure, qui ont beaucoup aidé à la mue, et ont permis à Emotion d’évacuer les dernières toxines. J’ai également encore diminué la ration à un litre, en compensant avec des pommes et des carottes. Toujours dans cette optique naturelle et progressive, j’ai remplacé les vermifuges chimiques par des vermifuges naturels, afin de maintenir l’équilibre du système interne.

Actuellement, les pieds d’Emotion se modifient de plus en plus et les structures internes se renforcent, ce qui fait qu’il devient capable de porter un poids plus important, et de ce fait, il a repris de la masse (graisse et muscles). Je l’ai passé à 0,5 litres de grain fin avril, et il a eu sa dernière (je l’espère !) poignée de grains le 5 mai. La transition a été lente (10 mois pour passer de 6 litres à une alimentation exclusivement naturelle) mais je suis persuadée qu’elle est la seule valable. Emotion est aujourd’hui capable d’utiliser les ressources de son corps pour fonctionner et je compte lui laisser un temps sans aucun apport autre que ce qu’il trouvera dans son pré afin qu’il puisse remettre tous les systèmes en route et en autonomie, maintenant qu’ils sont capables de fonctionner. Il passera à une nouvelle alimentation minérale en fin d’été, sans grains – à priori – et je continue de me renseigner sur l’alimentation du cheval, pour subvenir au mieux à ses besoins.

Considérations globales

Considérations globales

Le cheval est un être vivant à prendre dans sa globalité, pour trouver un équilibre qui lui convienne et qui lui permettent de vivre une vie optimale

Je me suis aperçue que c’est en diminuant la quantité, au profit de la qualité qu’Emotion avait pris du poids, de façon correcte et équilibrée. Augmenter la ration de grain n’a eu aucun effet sur l’amélioration de son état, et c’est à partir du moment où la ration a baissé significativement que j’ai vu une amélioration, pas seulement au niveau de son poids, mais bien dans tout son état général ! Mon cheval a grossi quand j’ai arrêté les céréales… Cette phrase est paradoxale, et va à l’encontre des croyances du monde équestre dans le domaine de l’alimentation. Je pense d’une part que la ration initiale d’Emotion était trop importante pour qu’elle soit correctement assimilée (la capacité de l’estomac du cheval étant de 8 litres), et qu’il a réellement profité des apports du grain à partir du moment où les quantités étaient raisonnables et donc assimilables. Et d’autre part, je crois que le grain est néfaste pour le cheval, qu’il encrasse les systèmes, et que c’est en le supprimant que le cheval va pouvoir fonctionner de manière naturelle (et donc fonctionnelle), sans intervention artificielle de notre part qui modifie tous les mécanismes que la nature a mis en place pour permettre au cheval de survivre. Je crois que moins nous modifions le mode d’alimentation naturel du cheval, et ce en privilégiant les interventions de façon raisonnée, réfléchie et intelligente (utilisation de plantes séchées qu’il trouverait et mangerait à l’état naturel par exemple), mieux le cheval se portera.

Bilan Emotion

C’est accepter de prendre son temps pour en gagner par la suite, et respecter le rythme de vie de son cheval qui va lui permettre de s’épanouir

Aujourd’hui et après cette expérience, je pense pouvoir dire que ce n’est pas en augmentant les rations d’un cheval qu’il prendra du poids (sans compter les effets néfastes du grain sur la santé du cheval), mais bien en repensant totalement son alimentation et son mode de vie. En effet, dès que l’on change une composante de la vie d’un cheval, cela va influencer sur les autres, qu’il faudra songer également à modifier afin de conserver l’équilibre de son compagnon. Le cheval est un être vivant à prendre dans sa globalité, pour trouver un équilibre qui lui convienne et qui lui permettent de vivre une vie optimale… Une vie de cheval.

Conclusion

Pour résumer, je dirais que c’est en revisitant totalement les conditions de vie de mon cheval que ce changement a été possible. L’environnement était sain, le parage et la posture ont été travaillés, et les apports alimentaires ont été revus de façon réfléchie, dans le souci de toujours aller vers le plus naturel possible, tout en laissant au corps le temps de se réadapter. Je crois que la principale qualité de ce travail de réadaptation est le temps : prendre le temps de faire des transitions alimentaires correctes, de travailler l’aspect physique et postural en douceur, et de laisser le temps au cheval de s’autonomiser dans l’utilisation des ressources. Il est utopique d’imposer au cheval des changements radicaux et espérer qu’il soit « fonctionnel » dès le début. Déconstruire les schémas prend du temps, mais c’est une condition essentielle pour rebâtir des bases saines par la suite.

C’est accepter de prendre son temps pour en gagner par la suite, et respecter le rythme de vie de son cheval qui va lui permettre de s’épanouir.

Changement Emotion un an

2 commentaires

  1. ludivine Auteur juin 29, 2015 (4:50 )

    Bonjour,
    je viens de lire votre article et il m’a paru très intéressant. je voulais vous partager un article que j’ai trouvé qui parle de l’alimentation naturelle du cheval.
    en voici le lien :

    http://polgregoire.blogspot.fr/search/label/Alimentation%20Vivante

    En espérant que cet article vous intéresse.
    Bonne lecture.

    Ludivine

  2. Beaufils Loélia Auteur juillet 27, 2015 (11:04 )

    Merci pour ton article Ludivine, je vais le lire avec intérêt 🙂

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